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— Ça, êtes-vous fous ou plus ivres que je ne le pensais ? Ne comprenez-vous pas que ce diable là, c’est un diable pour rire ?

— Toi, Gösta Berling, ricana le Diable, tu es déjà tout prêt à porter au four ; et cependant il n’y a que sept ans que tu vis à Ekebu.

— Allons, tais-toi ! C’est moi qui t’ai aidé à te cacher dans la cheminée.

— Eh quoi ? Ne suis-je pas aussi diable que le Diable ? Je te tiens mieux que tu ne te l’imagines, Gösta Berling. Ah, tu peux te flatter d’être un bel oiseau aux mains de la Commandante !

— Elle m’a sauvé la vie. Que serais-je sans elle ?

— Et il ne te vient pas à l’esprit qu’elle avait son idée, en t’installant à Ekebu ? C’est toi le miroir aux alouettes ! Ta fonction est d’attirer les autres. Une fois, tu as essayé de t’échapper. On t’a donné une petite ferme où tu voulais manger ton propre pain. Mais chaque jour la Commandante se promenait devant ta ferme en compagnie de jolies filles. Un jour Marianne Sinclair vint avec elle, et le lendemain tu jetais la bêche et le tablier, Gösta Berling, et tu reprenais ta place parmi les Cavaliers.

— Mais le chemin passait devant ma ferme, imbécile !

— Oui, oui, le chemin y passait… Puis tu t’en allas à Borg comme précepteur d’Henrik Dohna. Et tu aurais pu devenir le gendre de la comtesse Marta. Mais qui donc apprit à la jeune Ebba Dohna que tu n’étais qu’un prêtre défroqué ? Qui rompit le mariage ? Celle qui ne pouvait vivre sans toi, Gösta : la Commandante !

Gösta pâlit légèrement.

— Ebba Dohna, fit-il, est morte peu de temps après : je ne l’aurais jamais épousée.

Mais le faux Diable s’approcha et lui souffla dans l’oreille.

— Morte ? Elle s’est tuée à cause de toi ; seulement on ne te l’a pas dit.

— Tu réussis à merveille dans ton rôle satanique ! s’é-