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Là où les rivières, par des rapides écumeux, se jettent dans les eaux du lac, des moulins et des forges ont surgi. Aux endroits découverts où la plaine touche au Leuven, des églises et des presbytères se sont élevés. Mais, au bord des vallées, à mi-hauteur des pentes, sur le sol pierreux, où le blé ne vient pas, on trouve des fermes de paysans, des habitations d’officiers, et, parfois, un domaine seigneurial.

Vers 1820, la contrée n’était pas aussi cultivée. Les prairies et les champs d’aujourd’hui n’étaient alors que forêts, étangs ou marécages. La population était plus clairsemée. On y gagnait sa vie à transporter le bois, le charbon et le fer, et à travailler aux forges. On émigrait aussi vers d’autres provinces, car la terre ne nourrissait pas tout son monde. Alors l’habitant de la plaine ne portait que des vêtements tissés au logis ; il mangeait du pain d’avoine et se contentait de gagner ses cinq ou six sous par jour. La misère, souvent grande, était souvent allégée par la bonne humeur, et les mille petits travaux qui font les doigts plus agiles. Mais le lac, la montagne et la plaine formaient, comme aujourd’hui, un des plus beaux paysages, et, comme aujourd’hui, le peuple était vigoureux, courageux et intelligent. Il a gagné en aisance ; il s’est instruit, Dieu le garde ! Pour moi, j’évoque le souvenir de quelques-uns de ceux qui vécurent entre ces eaux et ces montagnes.