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CHAPITRE I
LE PAYSAGE

Je prie ceux qui connaissent le lac étroit et long du Leuven, les riches plaines et les montagnes bleues, de sauter quelques pages. Ils peuvent bien le faire, car le livre sera encore assez long. Mais on comprend qu’il faut que je décrive ces montagnes, cette plaine et ce lac, pour ceux qui ne les virent pas, puisque c’est là où Gösta Berling et les Cavaliers d’Ekebu passaient leur vie de plaisirs.

Le lac a ses sources assez loin dans le nord, et c’est un magnifique pays et le plus charmant où puisse naître un lac. La forêt et les montagnes ne cessent de l’alimenter ; les torrents et les ruisseaux s’y déversent d’un bout à l’autre de l’année. Il y trouve un bon lit blanc de sable fin, des îlots à mirer, des promontoires à réfléchir. Le vieux Neck et les ondines y prennent leurs ébats, tout à leur aise. Il grandit très vite et devient très vite beau et fort. Là-haut, dans le nord, il est d’humeur aimable et enjouée. Regardez-le, un matin d’été, lorsque, dans le sommeil qui s’évapore, il s’étire sous ses dentelles de brouillard. Il semble vous narguer, puis, lentement, il se glisse hors de ses légers voiles, et vous apparaît si étrange que vous en êtes étonné et comme ensorcelé. Enfin, les derniers voiles se déchirent, et, rose et nu, le voici qui brille dans la fraîche lumière du matin.