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Ah, mes bons messieurs les Cavaliers, voilà donc la dernière nuit où nous veillons ensemble ! Je n’entendrai plus vos rires sonores. Je vais vous quitter, vous et le joyeux monde des rives du Leuven.

Chers vieux amis, au temps jadis, vous m’avez fait de précieux cadeaux. Vous apportiez à celle qui vivait ignorante et solitaire les premières images d’une vie aventureuse. Et moi, que vous ai-je donné ?

Vous plaira-t-il que vos noms sonnent unis à ceux de nos domaines ? Vous plaira-t-il que l’éclat de votre fortune rejaillisse sur le pays où vous avez vécu ? Borg se dresse encore sur son promontoire ; Bjorné est toujours debout. Ekebu, au bord du Leuven, est toujours encadré de son torrent, de ses parcs et de ses prairies. Et, quand on sort sur ses balcons, les légendes et les histoires y volent tout autour comme les abeilles de l’été…

Mais, à propos d’abeilles, laissez-moi vous conter encore une vieille histoire — la dernière !

Le petit Ruster, depuis que, tambour, il avait suivi l’armée suédoise en Allemagne, ne se lassait point de parler des merveilles de ces pays du sud. Les gens, disait-il, y sont forts et hauts comme des clochers, les hirondelles grandes comme des aigles et les abeilles comme des oies.

— Et leurs ruches ? lui demandait-on.

— Leurs ruches ? Elles sont comme nos ruches.

— Mais alors, comment peuvent-elles y entrer ?