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— Une tempête a passé sur la contrée, fit-elle. Tout a été pour le mieux, peut-être.

Et la porte se referma, et ils ne la revirent plus. Et ils regrettèrent amèrement leur folie, et tous auraient voulu lui demander encore pardon et la remercier des plaisirs qu’elle leur avait donnés jadis.

Tristes et découragés, ils descendirent à la forge. Le travail s’y était arrêté, car c’était la veille de Noël ; mais ils jetèrent du charbon sur le feu et préparèrent une fonte. Ils n’appelèrent point les forgerons qui, rentrés chez eux, y célébraient la sainte nuit. Si seulement la Commandante vivait jusqu’à ce qu’ils eussent mis en mouvement le martinet, ses coups sonores parleraient pour eux.

Le soir tomba et la nuit vint pendant qu’ils travaillaient. Il leur parut étrange et mystérieux de passer encore la nuit de Noël dans la forge.

Kevenhuller et Kristian Bergh, le fort capitaine, se tenaient devant l’âtre et surveillaient la fonte, Gösta et Julius soufflaient. D’autres Cavaliers s’étaient assis sous le martinet, suspendu aux poutres du toit ; d’autres s’étaient installés sur des brouettes de charbon et des tas de minerai.

Lœvenborg, le vieil entêté de songes, causait avec l’oncle Eberhard, qui avait pris place à côté de lui sur l’enclume.

— Cette nuit, Sintram mourra, dit-il. J’ai entendu carillonner ses grelots toute la soirée, mais je sais que ce ne sont pas de vrais grelots. Nous le verrons bientôt ici.

Le petit vieillard regardait par la porte ouverte un pan de ciel bleu semé d’étoiles. Tout à coup il sursauta :

— Le voyez-vous ? chuchota-t-il. Le voilà qui essaie de se glisser ici… tenez, là… dans la porte.

— Je ne vois rien du tout, répliqua l’oncle Eberhard. Vous avez sommeil, frère Lœvenborg.

— J’ai distingué nettement sa silhouette sur le ciel clair. Il portait une longue pelisse de loup… Maintenant il s’est