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dans le traîneau ; mais, malgré son impatience d’arriver, elle ne put empêcher la vieille femme de s’arrêter et d’appeler chaque passant et de lui demander de ses nouvelles.

— Comment cela va-t-il maintenant ? disait-elle.

— Ça va bien, et ça ira mieux encore. Gösta Berling et sa femme nous aident.

— Le bon temps est revenu, répondit un autre. Les Cavaliers travaillent et nous donnent de l’ouvrage. On a retrouvé l’argent du pasteur de Brobu dans le clocher de Bro et sa fille, que vous avez près de vous, en a consacré une bonne partie aux pauvres.

Et d’autres lui répondirent :

— Nous avons ici deux femmes riches et bonnes, Marianne Sinclair et Anna Stiernhœk. Elles nous secourent et nous encouragent. On ne jette plus son blé à la cuve d’eau-de-vie.

Dans les domaines on tenait cuisine ouverte pour les pauvres. Et les sept forges de la Commandante avaient recommencé de battre le fer. La misère passée et les événements poignants avaient secoué les consciences. Et la Commandante, oubliant ses douleurs, laissait entrer à flots l’air frais dans ses poumons malades. Et à mesure qu’elle se rapprochait d’Ekebu, elle sentait s’évanouir sa rancune contre les Cavaliers.

Quand on toucha enfin au manoir, ceux-ci s’empressèrent et l’aidèrent à descendre du traîneau. Mais ils pouvaient à peine la reconnaître. Les plus âgés d’entre eux qui l’avaient vue jeune se chuchotaient : « Ce n’est pas la Commandante d’Ekebu : c’est Margareta Celsing qui nous revient ».

Leur joie fut grande de voir qu’elle leur pardonnait ; mais leur joie se changea bientôt en tristesse, lorsqu’ils comprirent qu’elle allait bientôt mourir. On dut la transporter aussitôt dans sa chambre et lui faire prendre le lit. Du seuil, elle se retourna vers eux :