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— Que voulez-vous ?

Et le colonel répondit :

— Nous vous ramenons votre mari.

Le colonel se dresse devant elle raide et sombre : derrière lui, une foule immense regarde. La capitaine aperçoit son mari étendu sur le brancard improvisé et porte la main à son cœur.

— Voilà bien son visage, murmura-t-elle.

Et, sans rien demander de plus, elle tira les verrous, ouvrit les deux battants, et montra le chemin de la chambre.

Et pour la dernière fois le capitaine Lennart se trouva couché sur de la belle toile blanche.

— Vit-il ? demanda-t-elle.

— Oui, répondit le colonel.

— Y a-t-il de l’espoir ?

— Non, aucun.

Tout à coup une pensée frappa la capitaine :

— Est-ce lui que tous ces gens-là pleurent ?

— Oui.

— Pourquoi ?

— Il s’est laissé tuer pour sauver des femmes et des enfants.

Elle resta un moment silencieuse, puis elle reprit :

— Quel visage avait-il donc, colonel, lorsqu’il revint avec vous, il y a deux mois ?

Le colonel tressaillit.

— Gösta Berling s’était amusé à le peindre, dit-il.

— C’est donc à cause d’une méchante farce des Cavaliers que je lui ai fermé ma maison ? Comment répondrez-vous de ce que vous avez fait ?

Le colonel haussa les épaules :

— Nous avons à répondre de tant de choses ! murmura-t-il.

— Je ne crois pas que vous ayez jamais commis rien de pire.