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centaines de gens reçoivent leur pain de celui qu’ils couvrent de malédictions.

— Mais comment ? Comment ?

— Eh bien, priez Dieu de nous envoyer la pluie. Priez dimanche.

Le vieux pasteur s’affaissa d’épouvante.

— Si c’est bien votre intention de secourir les malheureux, priez Dieu de nous envoyer la pluie et de vous la donner comme un signe qu’il vous pardonne et qu’il bénit votre œuvre…

Le dimanche suivant, à l’église de Brobu, le pasteur, sur le point de descendre de la chaire, s’arrêta, hésita, et enfin s’agenouilla pour implorer la pluie.

Il pria comme un désespéré :

— Si c’est mon péché qui a excité ta colère, punis-m’en, Dieu juste ! Dieu miséricordieux, laisse tomber la pluie ! Retire-moi de la honte et de l’opprobre ! Laisse tomber la pluie sur les champs de ce pauvre peuple.

La journée était suffocante. Les paroissiens, qui étaient restés dans l’engourdissement et l’indifférence, se réveillèrent à ces éclats de voix brisée.

— S’il y a encore pour moi une expiation possible, ô Seigneur Dieu, donne-nous la pluie !

Il se tut. Par les portes ouvertes un coup de vent brusque entra, frôla le sol, tourbillonna, répandit un nuage de poussière, de brin d’herbe et de ramilles. Le pasteur descendit de la chaire en vacillant. Les gens frissonnèrent. Serait-ce une réponse ?

Ce coup de vent n’avait été que le précurseur de l’orage. Quand on eut chanté les prières, et que le pasteur se retrouva devant l’autel, le tonnerre éclata et les éclairs sillon-