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les insectes l’avaient dévoré. Les pins avaient laissé choir leurs aiguilles, et les feuilles des bouleaux pendaient rongées jusqu’aux nervures. Les pauvres gens ne manquaient pas de sujets d’entretien ; et plus d’un évoquait le souvenir des années de disette de 1808 et 1809 et de l’hiver de 1812, où les moineaux eux-mêmes mouraient de froid. La famine ne leur était point inconnue ; ils savaient de longue date le moyen de faire du pain d’écorce, et comment on habitue les vaches à manger de la mousse. Une femme avait essayé de cuire une espèce de pain d’orge et d’airelles séchées ; elle en donnait à goûter et s’en montrait très fière. Mais la même question planait sur toutes les conversations et rendait tous les regards anxieux.

— Qui, ô Seigneur, qui a commis le péché dont tu nous punis en nous ravissant notre pauvre pain ?

Or, un homme s’arrêta devant l’allée qui montait à la demeure de l’avare pasteur de Brobu. Il ramassa un rameau sec et le jeta dans l’allée.

— Sèches comme ce rameau ont été les prières que ce prêtre offrit au Seigneur ! dit-il.

Celui qui venait après lui imita son exemple et jeta un rameau à la même place.

— Voilà le seul présent qui convienne à ce pasteur ! dit-il.

Un troisième fit de même et dit :

— Ce pasteur a été comme la sécheresse ; des ramilles et des brins de paille, c’est tout ce qu’il aurait voulu nous laisser !

Et le quatrième s’écria :

— En signe de honte éternelle, je lui jette cette branche. Qu’il se dessèche comme elle !

Et chaque passant trouve une parole à dire et une branche à lancer. Et les fagots s’entassèrent à l’angle des deux routes.

Ce fut la vengeance du peuple. Personne ne leva la