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causé tant de dommages avant la Saint-Jean ; mais, après la Saint-Jean, on ne l’entendit plus une seule fois.

Alors vint la sécheresse.

Il ne tomba pas une goutte de pluie, du milieu de juin jusqu’à la fin d’août. Le district de Lœfsiœ fut brûlé. Ah, ce beau soleil, comme il sait faire du mal ! Il est comme l’amour : personne n’ignore les infortunes qu’il amène, et cependant on lui pardonne. Il est comme Gösta Berling : il donne de la joie à tous, et c’est pourquoi on se tait sur les malheurs qu’il déchaîne.

En des contrées plus méridionales, cette sécheresse après la Saint-Jean n’aurait peut-être pas été aussi funeste. Mais ici le printemps était arrivé tard. L’herbe n’avait pas encore grandi ; le seigle fut privé de nourriture au moment qu’il allait fleurir et remplir ses épis ; le blé, semé au mois de mai, dont on faisait la plus grande partie du pain, porta de pauvres épis maigres sur de petites tiges ; les raves ne germèrent pas, les pommes de terre ne tirèrent aucun suc de ce sol pétrifié. Aussi commença-t-on à trembler dans les cabanes éloignées, et la terreur descendit parmi les gens plus calmes de la plaine.

— La main de Dieu cherche un coupable, dit-on.

— Est-ce moi, Seigneur Dieu ? Est-ce pour mes péchés que la terre se dessèche ?

Et, pendant que l’herbe jaunit et que le bétail, les yeux rouges, halète de chaleur et se presse autour des sources qui tarissent, des bruits étranges agitent la contrée.

— Un pareil fléau ne nous frappe pas sans cause, murmure le peuple. Quel est celui parmi nous que le doigt de Dieu a désigné ?

C’était un dimanche. Le service divin venait de finir. Les gens se promenaient en groupes sur les chemins poudreux. Tout autour d’eux, les bois étaient consumés par le soleil et aussi par l’incendie. Ce que le feu avait épargné,