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revint pâle, amaigri, avec un mal incurable aux poumons ; et, dès qu’elle revit son fils, la capitaine comprit qu’il était perdu. Et la mort s’avança plus délibérément vers cette maison hospitalière, où naguère la misère et la faim avaient été si bien accueillies.

Un mois plus tard, la capitaine, ne dormant pas, entendit frapper sur le rebord de sa fenêtre ; elle se leva, surprise, et demanda :

— Qui est là ?

Elle ouvrit même. Les hiboux et les chauves-souris voltigeaient au clair de lune. Mais elle ne vit point celle qui avait frappé.

— Viens, murmura-t-elle, viens, chère libératrice. Viens délivrer mon fils !

Et le lendemain, assise au chevet de Ferdinand, elle l’entretint de la béatitude qui attend les âmes affranchies.

— Ô mon fils, ne m’oublie pas lorsque toutes ces splendeurs se découvriront à toi. Ta pauvre mère n’a jamais vu que le Vermland. Mais tu lui prépareras sa céleste demeure, et tu viendras au devant d’elle, lorsque Dieu l’appellera à lui. Alors, les forêts de sapins ne nous borneront pas comme ici, à Berga : leur sombre mur ne nous cachera plus toute la beauté du monde, et nos yeux iront sur de vastes mers et des plaines ensoleillées ; et mille ans n’auront pas la durée d’un jour.

Ainsi charmé de visions magnifiques, le jeune homme s’éteignit. Ce fut chose admirable que sa mort. Certes, on pleurait autour de son lit, mais il souriait, et les larmes de sa mère qui tombaient sur son visage immobile n’étaient point des larmes de douleur.

Jamais enterrement ne fut célébré comme celui de Ferdinand Uggla. Tout était gai dans la nature : le jeu des rayons de soleil et le caprice des nuages, les faisceaux de gerbes qui ornaient les champs, les pommes de glace qui, au jardin presbytérial, luisaient transparentes et jaunes, et, chez le sacristain, les carrés brillants de dahlias et