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— Johan Fudrick a gagné, dit enfin le colonel très fier. Je le savais bien. C’est moi qui lui ai appris ce jeu. Il nous a mis tous trois hors de la partie. Tous trois, nous sommes morts ; lui seul est vivant.

Il se lève, ramasse les cartes, et nos Cavaliers reprennent le chemin d’Ekebu.

Et je crois fermement que le défunt a dû sentir que ses anciens compagnons ne l’ont point oublié dans son tombeau désert, hors de la terre bénite.

Mes amis, lorsque je serai morte, il est presque sûr que je reposerai, au milieu du cimetière, sous l’enclos funèbre de ma famille, car je n’aurai point attenté à ma propre vie. Je doute cependant que personne fasse pour moi ce que faisaient ces trois Cavaliers pour leur criminel ami. Nul ne viendra, à l’heure où le soleil se couche, où la demeure des trépassés s’emplit de solitude et de mélancolie, mettre entre mes doigts de squelette des cartes multicolores. On ne viendra pas non plus — ce que je préférerais — avec le violon et l’archet, afin que mon âme, encore attachée à cette poussière de poussière, puisse voguer un instant sur des harmonies, comme un cygne sur des ondes étincelantes.

CHAPITRE XXII
LA MORT

La mort, la meilleure amie des hommes, vint au mois d’août, quand les nuits sont pâles de clair de lune, à la maison du capitaine Uggla.

Derrière cette maison, on voit encore aujourd’hui un