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Lorsque le soleil se leva, le capitaine, du haut de Brobu, contemplait la vallée. Ses regards ne découvraient que champs dévastés par la sécheresse ; et, dans les montagnes bleues, de brunes étendues, où des forêts avaient été incendiées, noircissaient sous la lumière du matin. Les bouleaux qui bordaient les routes avaient perdu presque toutes leurs feuilles. Et par bien des signes — surtout par l’odeur d’orge et de pommes de terre fermentées qui s’échappait des fermes, — il comprit que la misère était là et que les gens en cherchaient l’oubli dans l’indifférence et dans l’eau-de-vie.

Le capitaine, persuadé que rien n’arrivait ici-bas sans la volonté divine, se demanda quels pouvaient être les desseins de Dieu sur un pauvre homme comme lui. Ses cinq années de misère et la cruauté de sa femme lui semblaient aussi incompréhensibles que les voies les plus mystérieuses de la Providence.

— « Que veux-tu de moi, mon Dieu ? pensa-t-il. Où veux-tu me mener ? Pourquoi m’as-tu fermé les portes de ma maison ? »

Et regardant tous ces villages désolés de sécheresse et menacés de famine :

— « Te faut-il un misérable, ajouta-t-il, pour soulager tant de misères ? »

Cette idée s’empara de lui. Il ne tenta pas de se rapprocher de sa femme, avant qu’elle le rappelât. Mais elle ne le rappela pas. Dans le pays on l’en blâma fortement. D’ailleurs elle ne voyait presque personne, et ceux qui voulurent lui parler de son mari furent vite interrompus.

Je crois cependant que le capitaine Lennart fût tout de