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nart, cet ami, qui, le jour de son mariage, l’avait conduite à l’autel et avait dansé avec elle. Sans doute, il s’arrêterait encore comme autrefois à causer avec chaque personne qu’il rencontrerait sur sa route. Comme autrefois, il jetterait des sous aux enfants. Comme autrefois, il dirait à chaque vieille femme ridée qu’elle devenait tous les jours plus jeune. Peut-être même le reverrait-on debout sur un tonneau, le violon sous le menton, jouer des airs à la veillée de la Saint-Jean.

— Eh bien, mère Karine, commença-t-il, on ne me dit rien ?

L’hôtelière comprit qu’il était entré pour avoir des nouvelles de chez lui. Elle lui en donna, et de bonnes. Sa femme s’était montrée aussi capable qu’un homme. Elle avait affermé le petit domaine du nouveau propriétaire ; et tout lui avait réussi. Ses enfants se portaient à merveille : c’était un plaisir de les voir. Sûrement on l’attendait. Certes, la capitaine était une dame sévère qui ne confiait point ses pensées ; mais l’hôtelière savait pourtant que personne n’avait eu la permission de manger avec la cuiller du capitaine ni de s’asseoir sur sa chaise, pendant son absence. Et, tout ce printemps, aucun jour ne s’était passé que la capitaine ne fût montée jusqu’à la grande pierre, tout en haut de la pente de Brobu, et n’eût interrogé la route. C’était à ces choses-là qu’on pouvait voir qu’il était attendu, bien que la capitaine n’en dît jamais rien.

— On ne le croit pas, n’est-ce pas ? fit le capitaine Lennart.

— Oh ! non, capitaine, répondit la paysanne. Personne ici ne le croit.

Alors, le capitaine Lennart quitta l’auberge.

Mais le hasard voulut qu’il rencontrât à la porte de vieux amis. Les Cavaliers d’Ekebu arrivaient, invités par le méchant Sintram pour y fêter son anniversaire. Ils s’empressèrent de secouer la main du capitaine et de lui souhaiter