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regarder. Ce n’était pas bien de faire les farceurs à l’église, mais le pasteur, comme ses paroissiens, sentit qu’on avait été sur le point de jouer une vilaine scène encore plus déplacée devant le Seigneur.

De ce jour, le comte Dohna cessa de se plaire à Borg. Une nuit sombre, au commencement d’août, un carrosse s’arrêta devant le perron du manoir, en rasant les marches. Entre deux haies de serviteurs la comtesse Martha sortit enveloppée de châles, un voile épais sur le visage. Son fils la conduisait : elle tremblait. On éprouva quelque peine à lui faire traverser le vestibule et l’escalier. Dès qu’elle fut entrée dans la voiture, le comte y monta et le cocher fouetta ses chevaux.

Borg fut vendu et changea souvent de propriétaire. Peu de gens furent heureux sur ce beau domaine.

CHAPITRE XX
LE CAPITAINE LENNART

Le capitaine Lennart vint un jour du mois d’août à l’auberge de Brobu. Il se rendait à sa terre de Helgesœter qui se trouve un quart de mille au nord-ouest de Brobu, tout près du bois.

Le capitaine Lennart ignorait encore qu’il serait un instrument de la volonté divine. Son cœur débordait de joie. Il avait traversé de sombres jours et, après avoir injustement souffert, il retournait chez lui.

La cuisine était déserte : il s’amusa à regarder autour de lui et ne put se tenir de toucher à tout. Il embrouilla le fil du rouet. Il prit le chat et le laissa tomber sur la tête du chien et rit aux larmes quand l’ahurissement de ces deux