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Elle ne scintille même pas comme la forêt hivernale.

Ce dimanche-là, le comte Dohna était assis au milieu du chœur, dans un fauteuil orné de guirlandes, afin d’être vu et honoré de tous. On le remercierait solennellement d’avoir réparé les vieux bancs, détruit les images et remis des carreaux aux fenêtres.

Le service divin fini et le dernier verset du dernier psaume chanté, personne ne quitta l’église, et le pasteur, remontant en chaire, se disposa à célébrer et à glorifier les mérites du comte. Mais à ce moment les portes s’ouvrirent, et les vieux Saints d’argile apparurent.

Dégouttant de l’eau du Leuven, souillés de boue verte et de vase brune, ils se sont levés des flots froids. Habitués aux chants et aux prières, ils n’en aiment point le clapotement monotone. S’ils n’ont pas protesté, quand il ne s’agissait que de quitter leur place à Dieu, ils n’admettent pas qu’un comte Dohna soit loué dans la maison du Seigneur. Et, bien reconnaissables à tous les paroissiens, les voici qui s’avancent dans l’église : le vieux Viking, Saint Olaf, la couronne autour du casque, Saint Erik sous son manteau à fleurs d’or, et le gris Saint Georges et Saint Kristoffer. Seules, la Reine de Saba et Judith ne sont pas venues.

Quand la foule s’est ressaisie de son étonnement, un murmure court l’église.

— Les Cavaliers ! Ce sont les Cavaliers !

Oui, ce sont les Cavaliers. Sans mot dire, ils vont droit au comte, le soulèvent dans son fauteuil et toujours silencieux ils le transportent jusque sur le parvis de l’église. Puis ils disparaissent vers le lac.

On ne s’en inquiéta pas. On n’alla pas chercher le comte. Le pasteur ne prononça pas son discours. Il n’y eut personne qui n’approuvât les Cavaliers, car tout le monde se rappelait la claire beauté de la jeune comtesse et combien elle avait été bonne envers les pauvres et douce à