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CHAPITRE XIX
LES SAINTS D’ARGILE

L’église de Svartsiœ est blanche à l’intérieur comme à l’extérieur. Les murs, la chaire, les bancs, le plafond, la nappe d’autel, tout est blanc. Dans l’église de Svartsiœ, il n’y a point d’ornements, point d’images, pas le moindre écusson. Une croix, avec un blanc linceul jeté sur ses deux bras, se dresse au milieu de l’autel. Mais autrefois, il n’en était pas de même. Le temple était couvert de peintures et rempli d’images de pierre et d’argile.

Un pauvre artiste qui avait admiré le ciel un jour d’été et qui avait vu les nuages blancs monter et se dérouler de l’horizon, s’était sans doute écrié : « Oh ! si les âmes, qui aspirent à Dieu, pouvaient escalader ces blanches montagnes et voguer vers le ciel sur ces vaisseaux célestes ! » Et il vit ces âmes, debout, des lis dans les mains et des couronnes d’or sur la tête. L’espace retentissait de leurs chants. Des anges aux larges ailes volaient à leur rencontre. Quelle foule de bienheureux ! Les molles ondulations des nuages en étaient couvertes. Ils y reposaient comme des nénufars sur l’eau d’un lac ; ils y poussaient comme des lis sur une prairie.

Et le pauvre artiste avait peint sa vision au plafond de l’église. Sa main qui menait le pinceau, ne manquait pas de vigueur, mais elle était un peu raide, de sorte que les nuages ressemblaient plus aux boucles frisées d’une perruque qu’à des montagnes de brouillard duveteux. Il avait