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Comme il s’approchait de Brobu, il entendit un chant cadencé.

Un et deux — Un et deux.
Les chasseurs arrivent joyeux…

Mais ce ne furent point des chasseurs du Vermland : ce furent les gaies demoiselles de Berga et les belles jeunes filles du juge de Munkerud qui parurent. Elles portaient de petits paquets de provisions au bout de leurs bâtons, posés sur leur épaule comme des fusils ; et elles marchaient bravement sous le soleil en chantant :

Un et deux — Un et deux.

— Où donc allez-vous, patron Julius ? crièrent-elles, sans remarquer les nuages de mélancolie qui obscurcissaient son front.

— Je tourne le dos à cette demeure du péché et de la vanité, répondit Julius. Je ne veux pas rester parmi des railleurs et des méchants à qui rien n’est sacré. Je m’en retourne chez ma mère.

— Ce n’est pas vrai, s’écrièrent-elles : vous ne comptez pas quitter Ekebu !

— Si ! fit-il en frappant un coup terrible sur le coffre. Comme Loth s’enfuit de Sodome, je m’enfuis d’Ekebu. Adieu, jeunesses ! Gardez-vous d’Ekebu.

Sur ces graves paroles, il allait s’éloigner, mais cela n’était point du goût des gaies jeunes filles. Elles se proposaient d’aller jusqu’à Dunderklœtt et, la route étant longue et montante, elles avaient bonne envie de se laisser traîner dans le chariot du patron Julius, jusqu’au pied de la montagne. Il ne leur fallut pas plus de deux minutes pour arriver à leurs fins. Le patron Julius tourna son attelage, et le chariot se remplit de jeunes filles.

Souriant, il trônait sur sa boîte à provisions. Le long du