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faillirent s’évanouir à l’apparition de cet être couvert d’une peau de bête. Les âmes ne goûtèrent plus aucun recueillement. Mais il était trop redouté pour qu’on osât lui dire de sortir.

En vain le bon vieux curé parla de la fête lumineuse. On ne l’écouta que d’une oreille distraite, car tout le monde se demandait quelle infortune annonçait la présence du méchant maître de Fors.

Quand le service fut fini, on le vit monter au sommet de la colline où est située l’église de Bro. De là il promena ses yeux sur le détroit du Leuven jusqu’au presbytère de Brobu. Et il menaça du poing les rives verdoyantes. Puis ses regards descendirent vers le sud jusqu’aux caps bleuissants qui semblent enclore le lac. Puis ils remontèrent vers le nord et s’en allèrent jusqu’au pic de Gurlita. Et il menaça du poing toutes les hauteurs qui encadrent la riche vallée. S’il avait eu des foudres à lancer, on ne doutait point qu’il en eût accablé avec délices ces paisibles contrées.

D’étranges bruits coururent ensuite. On prétendit que le sacristain, en venant fermer la porte de l’église, y cassa sa clef contre un dur morceau de papier enfoncé dans la serrure. Il remit le papier au curé ; et chacun comprit que c’était une missive adressée à un être de l’autre monde. On sut même ce qui était griffonné sur ce papier diabolique. Le curé l’avait brûlé devant le sacristain. Les lettres avaient lui toutes rouges sur un fond noir. Et le sacristain n’avait pu éviter de les lire. Et il y avait lu que Sintram promettait à son Seigneur et Maître le désastre et la ruine de tout le pays, aussi loin que se voyait le clocher de Bro.