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ne lui pardonnait pas ses couronnes de cerfeuil et ses touffes de primevères.

Quand la splendeur du jour de la Saint-Jean se répandit sur les montagnes et que l’air vibrant apporta jusqu’à Fors le son des cloches de l’église, quand la paix infinie de ce jour de fête enveloppa la contrée, alors Sintram se leva furieux et résolut d’aller à l’église, lui aussi. Ceux qui acclamaient avec tant d’enthousiasme le renouveau et l’été verraient ce qu’en pensait Sintram.

Il revêtit sa grosse pelisse de loup ; il mit ses gants de fourrure. Il fit atteler son cheval roux à son traîneau de course et attacher des grappes de grelots dans le harnais brillant, orné de coquillages. Habillé comme pour affronter trente degrés de froid, il s’en alla vers le temple. Il se plaisait à croire que le grincement sous les patins du traîneau venait de l’âpre gelée, et que c’étaient les frimas qui couvraient les flancs de son cheval d’une écume blanche. Il n’avait pas trop chaud. Le froid irradiait de lui comme la chaleur du soleil.

Il traversa, au nord de l’église de Bro, la plaine riche, de grands villages opulents et des champs de blé où voltigeait et planait le chant des alouettes. Jamais ailleurs je n’ai entendu les alouettes chanter comme sur ces plaines de Bro. Je me suis souvent demandé si vraiment Sintram pouvait rester sourd à leurs trilles d’allégresse.

Que de spectacles agaçants pour lui le long de cette route ! Deux bouleaux s’inclinaient et saluaient à la porte de chaque maisonnette, et, par les fenêtres ouvertes, on apercevait des fleurs et des rameaux verts suspendus aux murs des chambres. La plus chétive petite mendiante se promenait avec une branche de lilas à la main. Point de paysanne qui n’eût un bouquet de fleurs dans les plis de son mouchoir d’église. Des mâts, ornés de guirlandes et de couronnes encore fraîches, se dressaient au milieu de la cour des fermes. Le piétinement des danses avait froissé l’herbe tout autour, car la ronde y avait tourné dans la