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voit son doux et beau visage. Elle est bonne ; elle est pleine de sagesse. Ses regards tombent sur toutes les choses comme une bénédiction. Elle gouverne et elle règne, et, là où elle est, tout doit pousser et prospérer. Elle porte en elle le bonheur.

Il s’élance sur le rebord de la fenêtre, à ses côtés, plus heureux qu’un jeune amant. Puis il l’enlève, et l’emporte à travers le jardin, sous les arbres en fleurs.

Et quand les enfants s’éveillent, quelle joie ! Quel ravissement ! Ils s’emparent de lui ; ils tiennent à lui montrer tout ce qu’il y a de nouveau : le nid d’oiseau dans le peuplier, et les petits poissons de l’étang qui se sont multipliés et nagent à la surface de l’eau. Et l’on va se promener dans les champs. Ne faut-il pas que le père voie comme le seigle est épais, comme le trèfle grandit et comme les feuilles froissées des pommes de terre commencent à percer ? Ne faut-il pas qu’il assiste au retour du pâturage et qu’il fasse connaissance avec les petits veaux ? Ils le conduisent dans la bergerie. Ils le mènent dans la basse-cour chercher les œufs, et dans l’écurie donner du sucre aux chevaux. Ils lui marchent sur les talons toute la journée. Pas de leçons ! Pas de travail ! Père est revenu. Et le soir père leur joue ses meilleures danses ; et père a été pour eux un si gai, si charmant camarade que les enfants s’endorment en priant Dieu que père reste toujours à la maison.

Et pendant huit jours père resta, joyeux comme un gamin, amoureux de tout, de sa maison, de sa femme, de ses enfants, sans aucune pensée du manoir d’Ekebu.

Et voici qu’un matin il partit. Il ne pouvait plus y tenir. C’était trop de bonheur et de tranquillité pour lui. Ekebu était mille fois moins agréable ; mais Ekebu était au centre de la vie tourbillonnante. Comment vivre séparé des Cavaliers, loin du lac de Leuven et de la ronde effrénée des aventures ?

Ici, tout allait son train ordinaire ; tout poussait et prospérait sous les yeux de la bonne maîtresse. Et si le