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Les enfants l’avaient ratissée la veille au soir et y avaient tracé de jolis dessins, et ses grands pieds venaient de gâcher ce travail délicat.

Et vous n’imaginez pas comme tout poussait sur ce coin de terre béni ! Les six sorbiers qui gardaient la cour avaient la hauteur des hêtres et l’amplitude des chênes. Où trouver ailleurs des arbres semblables ? Ils étaient magnifiques avec leur tronc robuste tapissé de lichens jaunes et leurs opulentes grappes de fleurs, dont la blancheur se détachait sur la sombre verdure. On pensait, en les voyant, au grand ciel étoilé. Certes, la façon dont les arbres grandissaient à Löfdala était bien merveilleuse. Il y avait un vieux peuplier si gros que deux hommes n’auraient pu l’embrasser. Il était creux et vermoulu ; la foudre l’avait décapité ; cependant il ne voulait pas mourir. Chaque printemps une touffe de verdure sortait de son gros tronc et prouvait qu’il vivait encore. Le merisier près du pignon, à l’est, ombrageait maintenant toute la maison : il se dépouillait déjà de ses fleurs dont les pétales blanches jonchaient le toit. Et les bouleaux, qui formaient ça et là des bouquets dans les champs, devaient avoir leurs paradis à Löfdala, à en juger par leur extraordinaire fantaisie. L’un n’imitait-il pas les tilleuls touffus ? L’autre se tenait droit et raide comme un peuplier ; le troisième voulait ressembler à un saule pleureur. Ils mettaient un soin jaloux à se distinguer les uns des autres, et tous étaient superbes.

Lilliécrona se leva et fit le tour de la maison. L’adorable jardin ! Il s’arrêta pour en humer les parfums. Les pommiers étaient en fleurs. Il le savait, puisqu’il les avait vus dans toutes les fermes qu’il avait traversées : mais nulle part ils ne fleurissaient comme ici, — comme ici où ses yeux d’enfant les avaient tant de fois admirés. Il s’avança les mains jointes et d’un pas léger. Le sol était blanc, les arbres blancs, et d’un blanc qui se teintait de rose. Il reconnaissait dans chaque arbre un vieil ami. Les pommiers aux pommes de glace étaient entièrement blancs, mais les