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ne s’en souciaient plus. Mais les Cavaliers, plus scrupuleux, désiraient suivre leur marchandise jusqu’à destination.

Sur le Vœnern, un accident arriva. Il y eut, cette nuit-là, paraît-il, un coup de vent qui les poussa contre un écueil, et le voilier coula avec sa charge. Les Cavaliers perdirent leurs cors de chasse, leurs jeux de cartes et même, dit-on, des bouteilles pleines. Mais l’honneur d’Ekebu était sauvé : le fer avait été pesé à Karlstad. Le commandant écrivit aux négociants de Gothembourg pour leur annoncer le sinistre ; et tout fut dit.

Et si les ports, les écluses, les meules de charbon, les mines, les chalands et les voiliers murmurent et chuchotent d’étranges choses ? Si un bruissement passe dans les forêts et dit que tout ce voyage n’a été qu’une frime ? Si tout le Vermland affirme qu’il n’y eut jamais plus de cinquante malheureux quintaux à bord des chalands et que le naufrage avait été un coup monté ? Eh bien, un nouvel exploit a été accompli et un vrai tour de Cavalier. Ce n’est pas cela qui nuit à la réputation du vieux domaine. D’ailleurs, il est possible que les Cavaliers aient acheté du fer ou qu’ils en aient trouvé dans des magasins oubliés. Qui saura jamais la vérité ? Le maître de la bascule, lui, n’a jamais voulu entendre parler de ruse ou de plaisanterie.

Quand les Cavaliers revinrent au manoir, ils apprirent que le comte Dohna avait envoyé chercher en Italie des preuves que son mariage n’avait pas été légal. J’ignore quelles pouvaient être ces preuves. Il faut traiter doucement les vieilles histoires : elles ressemblent à des roses fanées dont les pétales tombent au doigt qui les touche. Toujours est-il que, quelque temps après, le tribunal de Bro déclara nul le mariage du comte Henrik Dohna et d’Élisabeth Dücker.