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d’elle, bien que tous ses muscles se raidissent contre ce qu’il allait faire, et la pria de se tranquilliser. Puis il la prit, la porta dans le canot et rama vers la rive de l’est. Ils abordèrent à un petit sentier, et le jeune homme l’aida à descendre.

— Que deviendrez-vous ? demanda-t-il.

Elle leva le doigt vers le ciel.

— Si jamais, chère comtesse…

Sa voix le trahit, mais elle devina son intention.

— Oui, fit-elle, si j’ai besoin de vous, je vous enverrai chercher.

— J’aurais voulu vous protéger, dit-il.

Elle lui tendit la main, une main qui resta dans la sienne inerte et froide…

Quand il revint au chaland, il tremblait de fatigue, comme s’il eût accompli la tâche la plus pénible de son existence.

Est-il vrai, ainsi que le prétend la légende, que les Cavaliers avaient à bord plus de sable que de fer ? Est-il vrai qu’arrivés à Karlstad ils portèrent et reportèrent, de la bascule aux chalands, les mêmes barres, jusqu’à ce que des centaines et des centaines de quintaux fussent pesés ? Est-il vrai qu’ils y réussirent, parce que le maître de la bascule et ses gens goûtèrent un peu trop aux paniers de provisions et aux bouteilles d’Ekebu ? Tant y a qu’on était gai sur les chalands.

Dès que les cavaliers eurent leur quittance, ils rechargèrent eux-mêmes leur fer sur un voilier du Vœnern. D’ordinaire les caboteurs s’occupaient du transport jusqu’à Gothembourg, et, la livraison faite, les forges du Vermland