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de Gothembourg. Ils l’ont eux-mêmes embarqué, et, quand on l’aura transbordé dans le bateau de Karlstadt, ils seront là, veillant aux voiles et la main sur le gouvernail. Y a-t-il un banc de sable dans le Klarelf, un écueil dans le Vœnern dont ils n’aient l’expérience ? Et la barre des voiliers n’est-elle pas aussi familière à leurs mains que l’archet du violon et les rênes du traîneau ?

Comme ils choient ce fer ! Ils le couvrent de larges toiles : ils n’en laissent pas une parcelle à nu. Ce sont ces lourdes barres grises qui vont sauver la gloire d’Ekebu. Il n’est pas permis aux étrangers d’y jeter des regards indifférents.

Aucun des Cavaliers n’est resté au manoir. Le cousin Kristoffer a quitté le coin du feu ; le mélancolique Lœvenborg, son gîte de rêveur. Mais au moment où ils vont larguer les amarres, Lœvenborg leur crie d’arrêter et leur indique de la main une femme qui court sur la route, comme si elle était poursuivie.

Il n’est pas rare que la vie arrange de ces rencontres extraordinaires. Que d’ailleurs, si elles vous étonnent, étonnez-vous donc que les Cavaliers fussent précisément à l’endroit où le bac du passeur traverse le Klarelf, le lendemain même que s’était enfuie la comtesse Élisabeth.

Elle avait marché toute la nuit et arrivait en courant au débarcadère. Ils ne soupçonnèrent pas qui se cachait sous ces vêtements rustiques.

Tout à coup, derrière elle, dans un nuage de poussière, apparut une grande calèche jaune. Affolée, la fugitive se précipita sur le chaland des Cavaliers, et cria :

— Cachez-moi ! Cachez-moi !

Puis elle trébucha contre une barre de fer et tomba.

Les Cavaliers reconnurent alors la jeune comtesse et s’empressèrent de démarrer et de gagner le milieu du courant.

Le comte Henrik et la comtesse Martha étaient assis dans la calèche. Ils interrogèrent le passeur.