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notre fer en barres. Quand je suis entré hier dans nos magasins, il n’y avait plus rien qu’un rat, un rat mort. Voulez-vous ces limes, frère Gösta ? Sur ma foi, elles sont fort intéressantes.

Gösta Berling tomba sur une chaise en riant aux éclats.

Et il revint à Ekebu.

Les Cavaliers, — réduits à cinquante misérables quintaux qui dormaient dans leur magasin, — entendaient toute la nature, y compris les gens, se moquer d’eux. Et les arbres leur faisaient des gestes de menace ; et le gravier gémissait sous leurs pas, car les forges d’Ekebu avaient perdu leur honneur.

Mais pourquoi tant d’histoires ? Voilà le fer d’Ekebu ! Le voilà chargé sur des chalands, et les chalands réunis à l’endroit où le Leuven se déverse, par le Klarelf, dans le Vœnern. Le voilà prêt à descendre jusqu’à Karlstad pour y être pesé. De là un bateau le transportera, à travers le Vœnern, jusqu’à Gothembourg.

L’honneur d’Ekebu est sauf. Comment ? À Ekebu on n’avait que cinquante quintaux, et dans les six autres forges, rien. Où a-t-on pu trouver ce poids énorme sous lequel les chalands ploient ? Demandez-le aux Cavaliers.

Les Cavaliers sont à bord : ils comptent suivre leur fer jusqu à Gothembourg. Ce n’est pas à de vulgaires bateliers qu’ils ont remis leur précieux fardeau. Ils sont venus eux-mêmes, avec des bouteilles et des paniers de provisions, des cors et des violons, des fruits, des lignes de pêche et des jeux de cartes. Ils ne quitteront point leur fer qu’ils ne l’aient vu déchargé sur le quai