Page:Lagerlöf - La Légende de Gösta Berling, trad. Bellessort 1915.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donne, mais il n’est jamais venu. Il taillait des jeux de quille et construisait des pavillons dans les jardins d’Ekebu.

Gösta continue son chemin vers Biörnidé, un superbe endroit où l’on eût rêvé de bâtir un château. La grande maison d’habitation y domine la vallée, dans un amphithéâtre de hauteurs que borne la ligne bleue du Leuven. C’est un paysage à souhait pour les promenades au clair de lune. Les douces nuits d’été vous invitent à remonter la rivière jusqu’aux cascades et jusqu’aux vastes grottes où jadis grondaient les forges. Biörnidé n’avait rien forgé de tout l’hiver. On n’avait pas même pu obtenir d’Ekebu l’argent du charbon !

Gösta rebroussa chemin et se dirigea vers le sud. Mais pas plus à Hôn que sous les forêts de Lœfsta il ne trouva la moindre barre de fer. Et partout on maudissait les Cavaliers.

Enfin il arriva à Elgfors, petite forge perdue dans les collines, à l’est du Leuven, bonne terre pour la chasse, bonnes eaux pour la pêche, solitude charmante pour le rêve, mais d’un abord difficile : Gösta Berling et Don Juan s’en aperçurent.

L’intendant de la forge, Bendix, prit un air grave, et son visage se plissa soucieusement, lorsqu’il écouta Gösta.

— Je vais vous montrer quelque chose de fort curieux, frère Gösta, dit-il.

Et, ouvrant un tiroir, il y prit de petites limes d’acier très fines.

— Vous ne devineriez pas où je les ai trouvées ? poursuivit-il.

L’expression de son visage devint de plus en plus sombre.

Gösta Berling confessa qu’il n’en avait pas idée.

— Eh bien, reprit Bendix, je les ai trouvées dans la bouche d’un rat mort. Il portait ces limes en guise de dents. Et vous comprenez qu’avec des dents pareilles ces bêtes-là peuvent manger du fer. Elles ont rongé tout