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du Vermland ? Personne ne veille donc plus sur la gloire du vieux domaine ? Torrents et rivières, ports et écluses, bateaux et chalands s’étonnent et se demandent : « Le fer d’Ekebu ne paraîtra-t-il pas bientôt ? » Et dans les bois, dans les montagnes et les vallées, court un murmure de surprise : « Le fer d’Ekebu ne vient-il pas ? Ne viendra-t-il jamais plus de fer d’Ekebu ? » Et, au fond des forêts, la meule de charbon fait des gorges chaudes ; les grosses têtes des martinets pouffent dans les forges ; les mines ouvrent leurs larges gueules et rient aux éclats ; les tiroirs des bureaux de commerce, où sont renfermés les contrats de la Commandante, s’esclaffent. « Avez-vous jamais entendu rien de plus drôle ? Ils n’ont pas de fer à Ekebu ! Dans la plus importante forge du Vermland, ils n’ont pas de fer ! »

Allons, debout, Cavaliers insoucieux ! Souffrirez-vous qu’une telle honte s’abatte sur Ekebu ? Vous l’aimez pourtant cette place, la plus belle de la terre verte du bon Dieu. C’est vers elle que tendent vos désirs, quand vous cheminez sur les routes. Debout, Cavaliers, et sauvez la réputation du domaine ! D’ailleurs, si les marteaux d’Ekebu ont chômé, on a dû travailler dans les six autres forges qui en dépendent, et y forger assez de fer pour répondre aux contrats. Et Gösta Berling se décide à aller trouver les intendants des six autres forges.

Il jugea inutile de s’adresser à Högfors, trop voisin d’Ekebu, et remonta quelques milles vers le nord, jusqu’à Lœtafors.

C’était une belle place baignée par le Leuven et protégée par le pic du Gurlita. On n’y avait rien fait : la roue était cassée depuis six mois.

— Mais pourquoi ne l’a-t-on pas réparée ?

— Le seul homme de la commune qui l’aurait pu était occupé.

— Il n’a pas été occupé tout l’hiver ?

— Nous l’avons envoyé chercher chaque jour que Dieu