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CHAPITRE XIV
LE FER D’EKEBU

C’est le printemps et l’époque où, de toutes les forges du Vermland, le fer s’achemine vers Gothembourg.

Mais, à Ekebu, ils n’ont point de fer à livrer. Le dernier automne, les usines avaient manqué d’eau, et pendant le printemps, les Cavaliers avaient régné.

Sous leur règne, les torrents s’étaient changés en cascades de bière, et les ondes du Leuven en flots de punch. On ne mettait point de fer dans les chauffes, mais les forgerons, en blouse et en sabots de bois, tournaient, devant les âtres, d’énormes quartiers de viande embrochés à leurs fourches, tandis que les apprentis, armés de pinces, présentaient aux braises des volailles lardées. On dansait le long des berges ; on dormait sur l’établi des menuisiers ; on jouait aux cartes autour de l’enclume. En ces jours heureux, on ne forgeait point de fer.

Les négociants de Gothembourg commençaient d’attendre avec impatience le fer d’Ekebu. On lisait et on relisait les contrats signés du Commandant et de la Commandante, des contrats où il était question de centaines et de centaines de quintaux. Mais les Cavaliers se souciaient bien des contrats de la Commandante !

À Gothembourg, le fer arriva de Stömné, et de Sölié. Le fer de Kymsberg se fraya à travers le désert son chemin jusqu’au Vœnern. Il vint du fer d’Uddeholm et de Munkfors et de beaucoup d’autres forges.

Quoi, Ekebu n’est-il donc plus la principale des forges