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Que se dirent-t-ils ? Que se passa-t-il dans leur cœur ? Je ne le sais. Je sais seulement que cette nuit-là une belle jeune femme risqua sa santé, son honneur et sa vie pour ramener un malheureux des bords de l’infamie, et que ce malheureux oublia la forge, le moulin et les eaux déchaînées pour suivre cette jeune femme.

Cependant le bruit de cette aventure nocturne se répandit, et Anna Stiernhœk apprit comment Gösta Berling avait été préservé de commettre une indigne folie.

— Je vois, dit-elle, que Dieu a plus d’une corde à son arc. Je tiendrai mon cœur en repos et je resterai où l’on a besoin de ma tendresse. S’il plaît à Dieu, Dieu fera un homme de Gösta Berling, sans moi.

CHAPITRE XIII
LA PÉNITENTE

Le jeune comte à la vieille tête revint au manoir de Borg le lendemain de la nuit où les flots printaniers avaient ravagé le moulin et la forge d’Ekebu. À peine fut-il arrivé, sa mère, la comtesse Martha, lui apprit d’étranges nouvelles :

— Ta femme est sortie cette nuit, Henrik. Elle a été absente pendant des heures. Elle est revenue en compagnie d’un homme. J’ai entendu leurs adieux, et je sais quel est cet homme. Elle te trompe, avec ses airs de sainte-nitouche. Elle ne t’a jamais aimé, mon pauvre ami. Tu as été épousé pour ton argent.

Le comte, furieux, ne parla de rien moins que de demander le divorce et de renvoyer Élisabeth à son père.