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tram, installés tranquillement autour d’un plateau de grogs, y buvaient depuis au moins une heure…

Plus tard, les Uggla obtinrent de Sintram qu’Ulrika Dillner resterait à Berga. Il céda avec bonhomie, ne voulant, dit-il, ni la folie ni la mort de sa pauvre femme. Je ne demande point que personne croie à ces vieilles histoires. Elles peuvent n’être que mensonge et invention. Mais le regret qui fait gémir et crier le cœur, comme le parquet de Fors sous le dur balancement de l’hôte mystérieux ; mais le doute, qui carillonne aux oreilles comme les grelots d’enfer qu’Anna avait entendus dans la forêt déserte, quand seront-ils, eux aussi, invention et mensonge ?

CHAPITRE XI
L’HISTOIRE D’EBBA DOHNA

Gardez-vous de mettre le pied sur le joli promontoire où se dresse le manoir de Borg, à l’est du Leuven, entouré de baies profondes et du murmure des vagues. Nulle part le Leuven n’est plus charmant. On ne saura jamais la beauté du lac de mes rêves si on n’a pas vu, du promontoire de Borg, les traînes du brouillard matinal se replier sur son miroir, et si on n’a pas contemplé, des fenêtres du cabinet bleu, où sourirent tant de frais visages, un pâle couchant rouge.

Je vous le dis cependant : n’y allez pas ! Vous pourriez être pris du désir de rester dans ces salles du vieux domaine où les souvenirs pendent comme des draperies de deuil. Peut-être achèteriez-vous cette belle terre et, jeune, riche, heureux, y viendriez-vous habiter avec une jeune