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Pendant qu’il s’éloignait au galop de la maison du bailli, accompagné du cri des femmes, des imprécations des hommes et du carillonnement des grelots, tout ce vacarme et ce tintamarre inquiétèrent les geôliers de la Commandante.

Les portes s’ouvrent en coup de vent, et des voix crient :

— Elle est partie ! Il l’a enlevée !

Les deux hommes croient que leur prisonnière s’est évadée, et, perdant la tête, ils bondissent sur le perron et sautent dans le premier traîneau qui passe.

Christian Bergh et le cousin Kristoffer allèrent tranquillement forcer la serrure.

— La Commandante est libre, dirent-ils.

Elle sortit : les deux Cavaliers se tinrent, raides comme des piquets, des deux côtés de la porte, sans la regarder.

— La Commandante trouvera un cheval et un traîneau dans la cour.

Elle descendit les marches du perron, trouva l’attelage et disparut.

Cependant Don Juan volait sur les pentes de Brobu, vers le miroir glacé du Leuven. L’air froid sifflait aux oreilles des voyageurs. Les sonnailles tintaient. Les étoiles et la lune brillaient. La neige qui s’étendait au loin luisait de son propre éclat, blanche avec des reflets bleus.

— Bérencreutz, dit Gösta Berling, comme Don Juan emporte au galop cette jeune femme, ainsi, malgré nous, le temps nous entraîne.

— Trêve de paroles ! gronda Bérencreutz. Ils sont tout près de nous.

Son fouet harcelait et exaspérait la folie de Don Juan.

— Voilà les loups derrière nous et voici le butin ! cria Gösta. Don Juan, mon brave, imagine-toi que tu es un jeune élan. Ah, mon garçon, sois le jeune élan qui franchit les fouillis de ronces et les marécages, qui bondit de la crête du fiel dans le lac limpide, qui nage la tête haute et