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vais-je donc devenir un trouble-fête ? Ne pleurez pas sur moi, petite comtesse. Je suis une méchante vieille femme et qui n’a que ce qu’elle mérite. Pouvez vous m’excuser d’avoir levé la main sur ma mère ?

— Non, mais…

La Commandante l’interrompit en lui écartant du front ses blonds cheveux frisés :

— Enfant, dit-elle, comment se fait-il que vous ayez épousé Henrik Dohna ?

— Mais je l’aime.

— Oui, une enfant très tendre et rien de plus encore ; une enfant qui s’afflige avec les affligés et se réjouit avec les heureux ; une enfant qui s’est crue forcée de répondre par un sourire au premier qui lui murmura : Je t’aime… Oui !… Retournez maintenant à la danse, ma chère jeune comtesse, et amusez-vous. Il n’y a pas ombre de mal dans votre âme.

— Ah, Madame, s’écria la jeune femme, je voudrais tant faire quelque chose pour vous.

— Écoutez, mon enfant, répondit la Commandante, il y avait à Ekebu une vieille femme qui tenait captifs les vents du ciel. Elle est maintenant en prison et les vents sont libres. Il n’est pas étrange qu’une tempête traverse le pays… Allez, et gardez-vous des vents qui galopent et qui soufflent la ruine.

La comtesse et Mme Sharling la quittèrent, au moment où elle recommençait à marcher dans sa prison, et retournèrent parmi les danseurs et les danseuses.

La comtesse alla droit à Gösta Berling.

— Je salue Gösta Berling, lui dit-elle, de la part de la Commandante. Elle attend que vous la délivriez.

— Elle attendra longtemps, comtesse.

— Oh, aidez-la !

— Non, répondit-il, le regard sombre ; pourquoi l’aiderais-je ? Que lui dois je ? Si elle ne s’était pas trouvée sur ma