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donna souvent à ces vieux récits une grâce qu’ils n’avaient pas. Mais la Suède, qui s’était retrouvée dans leurs pages plaisantes ou tragiques, réelles ou merveilleuses, adopta son Gösta Berling et en fit comme une de ces œuvres impersonnelles où tout un peuple se sent vivre et que chacun accommode à son rêve et transforme à sa guise.

Ne demandez donc à La Légende de Gösta Berling ni cette rigueur de composition, ni cette logique dans les caractères que l’on exige d’un véritable roman. Ce n’est pas un romancier qui s’adresse à vous ; ce sont les voix de toute une vieille province qui vous rapportent des choses extraordinaires.

Vous assistez à une veillée, à une longue veillée où des gens du Vermland qui ont beaucoup vécu y vont chacun de leur histoire ; et ces histoires ne tiennent souvent l’une à l’autre que parce que les conteurs vivaient l’un près de l’autre. Il ne faut point juger La Légende de Gösta Berling comme cette Jérusalem, œuvre exquise et forte. Il faut la juger comme on ferait d’une antique saga. Aimez-vous les contes ? Les uns vous séduiront par leur richesse de couleurs : Le Dîner de Noël — Les Loups — La Vente à Bjórné ; les autres par leur bonhomie et leur poésie : Le Patron Julius — La maison de Lilliécrona — Le Grand Ours de Gurlite est une comédie ; L’Histoire d’Ebba Dohna, un drame. Et qui ne frémirait au récit des tribulations fantastiques de la pauvre Ulrika Dillner ? Mais sous les plus fabuleux de ces contes il se cache