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CHAPITRE IX
LA JEUNE COMTESSE

La jeune comtesse dort jusqu’à dix heures du matin et veut tous les jours trouver du pain frais à son déjeuner. La jeune comtesse brode au tambour et lit de la poésie. Elle n’entend rien au ménage, ne sait ni le tissage ni la cuisine. La jeune comtesse est une enfant gâtée. Mais la jeune comtesse est d’une gaîté dont le rayonnement luit sur tout et sur tous. On lui pardonne volontiers les grasses matinées qu’elle fait et le pain frais qu’elle mange. Elle est bonne pour quiconque l’approche et prodigue pour les pauvres.

Le père de la jeune comtesse est un Suédois noble qui a passé toute sa vie en Italie, retenu par la douceur du pays et par des yeux plus doux encore. Lorsque Henrik Dohna visita la péninsule, il fut reçu dans la famille de ce vieux gentilhomme. Il avait aimé une des filles de la maison et l’avait ramenée en Suède. La petite comtesse, qui, dès le berceau, avait su parler le suédois et qui avait été élevée dans l’amour de tout ce qui est suédois, ne se déplaisait pas au pays des ours. Elle tournait si gentiment dans la ronde des plaisirs autour du lac étroit et long de Leuven, qu’on eût dit qu’elle y avait toujours vécu. Son titre de comtesse lui était léger à porter. Sa jeunesse n’avait ni raideur, ni morgue, ni vain orgueil. Elle exerçait une merveilleuse séduction sur tous les hommes graves. Quand ils l’avaient vue à une fête, le juge de Munkerud et le pasteur de Bro et le capitaine de Berga avouaient à leurs femmes, dans l’intimité,