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— Gösta, je voulais te dire qu’il m’a semblé préférable de revenir à la maison.

— Espérons seulement qu’on ne vous rejettera pas dans la neige.

— Ô Gösta, tu ne m’aimes donc plus ? Trouves-tu que je suis trop laide ?

Il attira vers lui le visage de la jeune fille et le baisa d’un air indifférent.

Au fond, Marianne en était égayée. S’il plaisait à Gösta, d’être jaloux de ses parents à elle, que pouvait-elle y faire ? Sa jalousie passerait. Il s’agissait de le regagner. Elle eût été fort embarrassée de dire pourquoi elle voulait le retenir. Elle le voulait cependant. Il était la seule personne au monde qui l’eût un instant délivrée d’elle-même, la seule dont elle pût encore espérer ce miracle. Elle lui expliqua que son intention n’était pas de l’abandonner pour toujours, mais seulement d’interrompre quelques temps leurs relations. Loin d’elle, son père devenait fou ; sa mère vivait en péril de mort. Gösta devait lui pardonner, l’approuver même d’avoir quitté Ekebu.

La colère du jeune homme éclata ; Marianne s’était jouée de lui. Dès qu’on lui avait permis de rentrer à son foyer, elle n’avait pas hésité à partir et à le délaisser. Quand, à son retour de la chasse, il avait trouvé la chambre vide, et sans un mot, un seul mot d’elle, son sang s’était figé dans ses veines. Il ne pouvait plus l’aimer. D’ailleurs, l’avait-elle jamais aimé, cette coquette qui ne demandait à l’amour que des gâteries et des caresses ?

Marianne revint sur ses explications et l’assura de sa fidélité. Il lui répondit qu’il ne lui pardonnerait jamais son départ et que sa tendresse était morte. Elle l’écoutait, mi-sérieuse, admettant son irritation, mais ne croyant pas à une vraie rupture. Toutefois, la froideur persistante de Gösta commença de l’inquiéter.

— Ne me reproche pas mon égoïsme, dit-elle. Est-ce par égoïsme que je suis allée à Siœ ? Ne savais-je pas que