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d’être chantée par un vieux poète islandais, elle était écrite par une jeune institutrice du Vermland. Au lieu de célébrer les exploits sauvages des Nial et des Ragnar, elle nous racontait la vie bizarre, brutale et à demi fantastique d’une petite commune vermlandaise. Ses héros ne dataient point du ve ou du vie siècle ; ils avaient tous vécu entre 1820 et 1830. C’étaient des maîtres de forges, des pasteurs, des officiers retraités, des paysans et des bohèmes, recueillis par charité dans de vieux manoirs et qu’on nommait des Cavaliers. Les aventures de ces gens rudes, impulsifs, fantasques — et romantiques sans le savoir — ; leurs fêtes surprenantes dans une nature farouche et qui semblait parfois atteinte de leur folie, frappèrent d’autant plus l’esprit du peuple que le peuple du Vermland était alors très superstitieux. Ils devinrent rapidement des personnages légendaires ; et la jeune institutrice, qui devait être leur barde, grandit dans une atmosphère tout imprégnée de leur souvenir et encore toute vibrante de leur gloire. Les histoires qu’elle avait écoutées en frissonnant dans cette maison de Lilliécrona, où s’était passée son enfance, hantèrent sa jeunesse ; et elle les enferma toutes ou presque toutes dans son premier livre. Ce fut à peine si elle eut le courage de choisir. Elle y mêla peut-être quelques réminiscences des romans qu’elle avait lus. Son imagination renchérit encore sur l’imagination populaire ; sa délicatesse de femme et d’artiste