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Le lendemain, le maître de forges Melchior Sinclair entra de bonne heure chez sa femme.

— Tâche de remettre tout en ordre ici, dit-il. Je vais chercher Marianne.

— Oui, cher Melchior : il sera fait comme tu le désires.

Tout fut ainsi réglé entre eux.

Une heure plus tard Melchior Sinclair se mettait en route pour Ekebu. Il eût été difficile de voir un vieux maître de forges d’aspect plus noble et plus bienveillant, assis dans son traîneau dont la capote était baissée, vêtu de sa meilleure pelisse et sanglé de sa plus belle ceinture. On distinguait sous le bonnet de fourrure des cheveux bien lissés ; seulement son visage était pâle et ses yeux singulièrement fatigués. Mais aussi quelle profusion de lumières ruisselait du ciel ! La neige brillait comme des yeux de jeune fille aux premières notes de la polska. Les bouleaux tendaient leurs fines dentelles de rameaux roux où pendaient encore de petits glaçons clignotants. Un merveilleux éclat de fête irradiait sur toute la journée. Les chevaux marchaient d’un pas relevé et dansant, et le cocher faisait claquer son fouet par simple joie et pur amour du bruit.

Le traîneau du maître de forges s’arrêta bientôt devant le perron d’Ekebu. Un valet sortit.

— Où sont tes maîtres ? demanda Melchior.

— Ils chassent le grand Ours de Gurlita.

— Tous ?

— Tous sont partis. Ceux qui ne vont pas pour l’ours vont pour le panier de victuailles.

Le maître de forges rit à faire trembler la cour silen-