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Il faut partir, ma bien-aimée. » Mais ces paroles de sacrifice qui déjà lui montaient aux lèvres ne furent jamais prononcées.

Il avait saisi la tête de la jeune fille entre ses deux mains et la baisa. Puis les mots expirèrent dans sa gorge, et son cœur battit à rompre. Hélas ! la petite vérole avait passé sur ce beau visage ! La peau était couverte de cicatrices. Jamais plus le sang rose ne transparaîtrait sous le velouté des joues. Jamais plus les veines bleues ne se dessineraient sur les tempes. Les yeux ternis disparaissaient sous de lourdes paupières enflées. Les sourcils étaient tombés et le blanc de l’œil avait jauni. Toute cette beauté, que devait pleurer le gai peuple du Vermland, avait été ravagée.

Un indicible sentiment d’amour envahit l’âme de Gösta Berling. La tendresse jaillissait en lui comme les ruisseaux du printemps. La passion se condensait en larmes dans ses yeux, soupirait sur ses lèvres, tremblait dans ses mains, vibrait dans tout son corps. Oh l’aimer, la défendre, la dédommager ! Mais comment lui parler maintenant de séparation et de sacrifice ? Il ne pouvait plus la quitter ; il lui devait sa vie entière. Il pleurait, l’embrassait et pleurait encore et n’arrivait pas à prononcer un mot.

La vieille garde-malade fut obligée de l’arracher à ces effusions.

Quand il se fut éloigné, Marianne resta longtemps songeuse. « Qu’il est bon d’être aimée ainsi ! » murmura-t-elle. Oui, c’était bon, mais elle, Marianne, que sentait-elle ? Rien, moins que rien.

« Ah, mon amour, soupira la jeune fille, mon cher amour, qu’est-il advenu de toi ? Te caches-tu ? Es-tu mort, mort comme ma beauté ?