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dormit d’un sommeil dont il ne se réveilla que le lendemain matin.

Gösta rentré à Ekebu se demandait comment entretenir Marianne lorsqu’on lui annonça qu’elle l’attendait.

La pièce était plongée dans une demi-obscurité, et le jeune homme s’arrêta un instant et chercha des yeux la forme plus sombre de la jeune fille.

— N’approche pas, Gösta, dit la voix de Marianne. Il pourrait y avoir encore du danger à venir trop près de moi.

Mais Gösta qui, tremblant du désir de la revoir, avait monté l’escalier en quelques bonds, ne craignait guère la maladie contagieuse. Il lui tardait de contempler le beau visage de sa bien-aimée. Personne n’avait le front plus clair et plus lumineux, le teint plus frais. Que de fois il avait rêvé de ses sourcils dont le dessin était aussi pur que celui des lignes sur les pétales d’un lys, et dont l’arc noir, sous ses cheveux blonds, avait une grâce ensorcelante ! Et il savait aussi quelle âme fière et chaleureuse se cachait dans son apparente froideur et quelle énergie courait sous sa peau fine.

Il traversa la chambre en coup de vent et se jeta à genoux devant le canapé où elle était étendue. Son intention était de la voir, de l’embrasser et de lui dire adieu. Il l’aimait, mais son cœur devait s’accoutumer à ces brisements et à ces ruptures. Où cueillerait-il jamais la rose sans appui et sans racines qu’il pourrait appeler la sienne ? Pas même la charmante fille, qu’il avait rencontrée à demi-morte au bord de la route, ne lui resterait. « C’est une trop grande misère chez toi, lui dirait-il. Il faut que tu y retournes pour que ton père retrouve sa raison. Ta mère vit presque du matin au soir dans un péril de mort.