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1901-02. Les articles taffetas se tissaient alors à un métier et étaient payés : le noir 0 fr. 25, la couleur 0 fr. 30. Depuis, les métiers fabriquant le noir virent leur vitesse augmenter de 90 à 100 coups à la minute, ceux fabriquant les couleurs de 120 à 140 coups. À dater de ce moment, les ouvrières furent mises sur 2 métiers et les tissus noirs payés 0 fr. 19 au lieu de 0 fr. 25, et les couleurs 0 fr. 21 au lieu de 0 fr. 30. Quand les ouvrières travaillaient sur un métier, elles pouvaient tisser pour le noir de 9 à 11 mètres par jour, et pour les couleurs de 12 à 14 mètres. Tous les articles dits : satins, duchesses, damas, pékins, continuèrent, grâce à l’organisation syndicale, à être fabriqués sur un métier.

Mais, en 1905, le patron tenta son coup de Jarnac. C’était après la grève de l’usine Duplan, qui réussit si mal. Le fils du patron, qui habitait Lyon, vint s’installer à l’usine, le directeur fut remplacé, et, si on ne parla pas tout de suite de diminution des salaires, on commença par doubler peu à peu les métiers. Les ouvrières fabriquant les articles duchesses, pékins, à deux et trois rouleaux, les satins coton, les pièces jumelles, durent conduire deux métiers au lieu d’un. Les réductions se firent ensuite sentir, en même temps que les matières devenaient de plus en plus mauvaises. Cela dura jusqu’à l’automne 1906. À ce moment, à la veille d’un rigoureux hiver, les portes de l’usine se fermèrent et plus de 600 ouvrières furent jetées sur le pavé, pendant 4 mois. Immédiatement, le syndicat organisa des secours : charbon, pain, viande, argent. Des réunions mirent en garde les ouvrières contre le piège qui leur était tendu, des affiches furent multipliées, etc. Mais ce qui devait arriver arriva. Le patron fit appel à 20 ouvrières dont il était sûr et leur imposa des conditions inacceptables. Ces conditions, le patron fut plus fort ensuite pour obliger les autres ouvrières à les subir. Pour la préparation, ce qui était payé 2 fr. le kilo fut coté 1 fr. 20, ce qui valait 1 fr. 50 tomba à 0 fr. 75, ce qui était fixé 1 fr. 40 fut mis à 0 fr. 70 ; pour le tissage, les taffetas payés 0 fr. 19 furent réduits à 0 fr. 13 et ceux de 0 fr. 21 à 0 fr. 14. Les deux métiers devinrent la règle. À l’heure actuelle, il ne reste à un métier que les personnes très âgées et les apprenties : mais au lieu de 3 fr. qu’elles auraient gagné autrefois sur ces petits articles, et 4 fr. à 4 fr. 50 sur les gros, elles ne reçoivent plus que de 1 fr. 25 à 1 fr. 50. Naturellement les militantes syndicalistes furent balayées impitoyablement : le patron voulait à tout prix tuer le syndicat. Mais le prolétariat soyeux de Vizille sut résister et le syndicat est plus fort que jamais. Bien mieux : à la même époque, la section syndicale de l’usine Duplan, qui avait disparu à la suite