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Lyon, qui savait l’italien, finit par entrer en relations avec elles. Lorsqu’il en eut vu quelques-unes, il convoqua une réunion où il leur fit raconter comment elles étaient venues en France et à quelles conditions elles travaillaient. Toutes d’ailleurs manifestèrent leur désir de retourner dans leur pays.

Voici de quelle façon on était aller les chercher en Italie. M. Permezel avait envoyé son directeur, accompagné de son aumônier, racoler dans le Piémontais des femmes et des enfants, en leur promettant 3 fr. par jour, une indemnité de 25 fr. pour leur apprentissage, le paiement des frais de voyage, et un voyage annuel dans leur pays. Les pauvres malheureuses que ces promesses séduisirent furent nombreuses. Hélas ! une fois arrivées dans le bagne, les choses avaient tourné tout autrement. Impossible de repartir pour l’Italie, car elles ne gagnaient même pas de quoi vivre. De plus, sur le maigre salaire, on leur retenait chaque mois une somme fixée, pour payer le voyage qui leur avait été avancé. Il y en avait qui, depuis trois ans, n’avaient pas encore pu rembourser le prix de ce voyage. Il faut croire que cela doit coûter cher ! L’existence que ces misérables femmes étaient obligées de mener était lamentable. Elles en étaient réduites à ramasser dans les caisses à ordures les débris de légumes que jetaient leurs camarades françaises.

Le camarade Auda prit leur affaire en mains. Il fit citer M. Permezel devant le Conseil des Prud’hommes de Voiron. Le patron fut condamné à tenir ses promesses, à l’égard de celles qui avaient eu la prudence de conserver les lettres que le directeur leur avait écrites pour les engager. Il dut donc les payer 3 francs par jour, depuis le moment où elles étaient rentrées chez lui, leur donner les 25 fr. d’indemnité d’apprentissage et leur acquitter le prix de leur voyage de retour en Italie. Celles qui avaient perdu leurs lettres d’engagement ne reçurent que le paiement de leur voyage et les 25 fr. d’indemnité d’apprentissage.

Je dois encore ajouter quelques détails sur cette usine Permezel. Les ouvrières y étaient couchées. Les dortoirs étaient infects, on ne changeait les draps et les couvertures que deux fois par an, et, auparavant, on ne les changeait même qu’une fois. Pendant la belle saison, les ouvrières tâchaient de les laver elles-mêmes, car il y avait des monceaux d’insectes qui grouillaient là, ces dortoirs étant sous les toits, avec de petites lucarnes pour la lumière.

Il est vrai que l’usine Permezel n’est, pas une exception. Il faut citer aussi l’usine Ruby, à Paviot. Il est vrai qu’ici il s’agit d’orphelines, recrutées par le trop célèbre abbé Santol, de Paris. Une fois amenées dans le bagne, ces jeunes filles ont bien des chances de n’en