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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

remuer à la pelle, des sapins sombres des deux côtés de la voie ; et puis, c’est l’entrée subite et toute simple en ville par des boulevards extérieurs, aux maisons plates, badigeonnées de l’éternelle couleur d’ici, pomme de terre ou macadam, que n’égayent ni réclames, ni balcons, ni volets aux fenêtres. Il faut avoir vu ces maisons pour savoir ce qu’une façade sans balcons et surtout sans volets (ce qui donne aux fenêtres l’air de trous réguliers) et avec, au ras du trottoir, ces descentes dans des boutiques, a de sinistre, et pour apprécier la jolie chose qu’est une façade de maison quelconque à Paris.

C’est le crépuscule, un crépuscule de fin d’août. En gare, dans des wagons de quatrième classe se casent des ouvriers. Leur mise frappe. Ils ne portent pas la blouse, le bourgeron, ni le pantalon bleu, mais la redingote usée et graissée, et la casquette à visière, avec cela, je ne sais quel air de galériens que leur donnent leurs cheveux négligés et leur grande barbe.

Les gares allemandes n’ont pas cet air de vieille pierre de nos gares de Paris ; elles sont toutes neuves, très claires, style trocadéro, briques rouges ou grès, toujours très enjolivées.