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BERLIN. LA COUR ET LA VILLE

Une bière qui n’aura jamais ses entrées dans les salons est la bière blanche, horrible liquide dont les gens les plus distingués font leurs délices. On sert la bière blanche dans d’énormes bocaux de verre blanc comme on en voit dans les laboratoires. On apporte le bocal plus ou moins plein selon le nombre des buveurs, et le récipient fait le tour de tous les gosiers.

Les salles de concert ont ce qu’on appelle des « tunnels » où, dans les entr’actes, on va boire. La National Galerie a son petit tunnel.

Dès avril, assaisonnement à la bière : radis, moutarde, raifort.

Dès mai, les joyeuses affiches des Biergarten, « jardins à bière ». Ce sont les Eldorado d’été. Une brasserie et, y attenant, un jardin plus ou moins grand, encombré de tables et de chaises peintes en blanc. Il est de ces jardins, en approchant de la banlieue, qui sont immenses ; la nuit, en été, avec leurs globes de gaz éclairant les arbres, et ces centaines de tablées buvant pacifiquement, ils font une impression homérique.

Premiers soirs d’avril : il fait encore frissonnant. Je passe le long d’un jardin à bière. Il