Page:Laforgue - Œuvres complètes, t5, 1925.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
ŒUVRES DE JULES LAFORGUE

place suffisante à Pau est assez improbable — mais à Alger ce sera beaucoup plus facile.

Il est donc assez probable que dès octobre nous serons à Alger.

Ma bonne Marie, je n’ai guère de force dans la main pour t’écrire. J’avais abusé de pilules d’opium qui me coupaient la toux.

Mon estomac en a été très malade, j’ai passé une bonne semaine sans dormir ni manger. De là ma faiblesse. Je commence à me remettre, c’est-à-dire à dormir et manger un peu.

Ces trois mois de fièvre, ces journées au lit, ces quintes de toux, tout cela m’a assommé comme une pauvre bête, il me semble que depuis quatre mois je ne me suis pas réveillé.

Je n’ai pas pour deux sous d’idées, et cependant je publie des articles et c’est pour mon talent que mes amis s’intéressent à moi. Il y a longtemps que tu ne sais plus rien de mes affaires littéraires. Ce serait trop long à détailler, mais sache d’un mot que j’ai le droit d’être fier ; il n’y a pas un littérateur de ma génération à qui on promette un pareil avenir. Tu dois penser qu’il n’y a pas beaucoup de littérateurs qui s’entendent dire : « Vous avez du génie ». Hélas ! qu’il me tarde d’être guéri et d’être installé dans un endroit où je puisse respirer sans