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ŒUVRES DE JULES LAFORGUE

temps plus ou moins long, les facultés qui sont le temple de la mère des Muses, Mnémosine.

J’ai nommé la Mémoire conservatrice des sonnets. Vous voyez le reste d’ici. Vous ordonnez et je suis trop heureux de recevoir des ordres de vous. Mais avouez que, pour le premier que je reçois, je n’ai pas de chance.

Enfin, attendons des jours meilleurs.

Toutefois quoique vous ne m’en veuillez pas je vous envoie un autre sonnet, sorti je ne sais d’où de mon être et je ne sais comme et je ne sais pour qui.

Sieste éternelle

Le blanc soleil de juin amollit les trottoirs.
Sur mon lit, seul, prostré comme en ma sépulture
(Close de rideaux blancs, œuvre d’une main pure),
Je râle doucement aux extases des soirs.

Un relent énervant expire d’un mouchoir
Et promène sur mes lèvres sa chevelure
Et, comme un piano voisin rêve en mesure.
Je tournoie au concert rythmé des encensoirs.

Tout est un songe. Oh ! viens, corps soyeux que j’adore,
Fondons-nous, et sans but, plus oublieux encore :
Et tiédis longuement ainsi mes yeux fermés.