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LETTRES 1881-1882

Je découvre de nouvelles eaux-fortes ici. Hier, à une heure de la nuit, je contemplais une sorte de passage en rivière noire et puante, profondément encaissée entre les murailles lépreuses, sous la lune. C’était enivrant comme eau-forte. Mais vous vous rappelez peut-être, c’est un passage qui mène de la Taubenstrasse à la Hausvogteiplatz.

Tout le monde part. Encore un, hier au soir. Je finirais par être seul, si nous ne partions bientôt aussi à notre tour.

Je suis heureux de ce que vous me dites de la gloire de Bourget. En laissant de côté l’inévitable subjectivité de tous mes jugements, il y a longtemps que je pense et dis à qui veut l’entendre que si quelqu’un a du génie parmi nos poètes, c’est Bourget, au-dessus de Sully, de Coppée, de Richepin, etc. Quant au critique, à part les maîtres bien assis, il est encore le plus pénétrant, avec quelque chose de plus qu’eux tous, son âme.

Il est heureux qu’il soit lié par un traité avec Mme Adam. Cela le forcera à nous donner des choses.

J’ai souvent réfléchi à ce que pouvait être la gloire de Bourget. Bourget a adoré la gloire, furieusement, comme un Balzac, un Balzac aux épaules frêles, sans le génie de la patience. Mais