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LETTRES 1881-1882

souverains, ministres, amoureux, etc. Je fume de blondes cigarettes, je fais des vers et de la prose, peut-être aussi un peu d’eau-forte, et j’attends la mort.

— Adorez-vous le cirque ? je viens d’y passer cinq soirées consécutives. Les clowns me paraissent arrivés à la vraie sagesse. Je devrais être clown, j’ai manqué ma destinée ; c’est irrévocablement fini. N’est-ce pas qu’il est trop tard pour que je m’y mette ? Je suis forcé d’interrompre mes bonnes soirées au cirque ; on se figure tout de suite qu’une écuyère est l’objet de vos platoniques assiduités et l’on vous propose d’énormes bouquets à lui lancer ?

Au fond, au tréfond, quand je me replie sur moi-même, je retrouve mon éternel cœur pourri de tristesse et toute la littérature que je m’arracherai des entrailles pourra se résumer dans ce mot de peine d’enfant, « faire dodo » (avec la faculté de se réveiller !) Pour tout ceci vous verrez un jour mes vers. La prochaine fois je vous chanterai la Chanson du petit hypertrophique. Sa mère est morte d’une maladie de cœur, et il va mourir aussi et il chante pour refrain :

J’entends mon cœur qui bat,
C’est maman qui m’appelle.