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Hamlet hausse flatteusement les épaules.

— Eh bien, mes enfants, trêve de culs-de-lampe. Et qu’apportez-vous en fait de répertoire ?

— Nous avons Les Joyeuses Commères de Saint-Denis, Le Docteur Faustus, L’Apologue de Menenius Agrippa, Le Roi de Thulé.

— Vous me direz le reste après-demain, au débotté. Tout ça c’est des belles conceptions, mais pas des conceptions immaculées comme les miennes. Pour ici, et pour ce soir, vous allez secrètement mettre à l’étude le drame que voici. Vous en serez d’ailleurs royalement récompensés. C’est un drame de moi. Il ne demande que trois principaux rôles. Il y a un roi, il s’appelle Gonzago, et une reine, Baptista ; cela se passe à Vienne. La reine a des relations adultères et conspiratrices avec son beau-frère Claudius. Une après-midi, le roi fait sa sieste, cuve ses péchés en fleur sous la tonnelle ; la reine feint d’éplucher austèrement des fraises pour le réveil de son époux. Survient Claudius. Les deux complices échangent un baiser silencieux, puis ils font fondre du plomb dans une cuiller et le versent délicatement dans l’oreille du roi.

— Quelle horreur ! laisse échapper Kate dans un sourire mourant en bouderie.