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sourire boudeur, un sourire douteux à s’en tordre de malaises, si maléfique que le jeune prince doit éclater pour faire diversion.

— Comment ! encore une Ophélia dans ma potion ! Oh ! cette usurière manie qu’ont les parents de coiffer leurs enfants de noms de théâtre ! Car Ophélia, ce n’est pas de la vie, ça ! Mais de pures histoires de planches et de centièmes ! Ophélia, Cordélia, Lélia, Coppélia, Camélia ! Pour moi, qui ne suis qu’un paria, n’auriez-vous pas un autre nom de baptême (de Baptême, entendez-vous !) pour l’amour de moi.

— Si, Seigneur, je m’appelle Kate.

— À la bonne heure ! Et comme ça vous sied mieux ! Que je vous baisotte les mains, ô Kate ! pour cette étiquette.

Il se lève lui-même, et va la baiser au front, longuement, à son front de Kate, dont il se détourne brusquement pour aller à la fenêtre cacher un instant son visage dans ses mains.

William fait signe à sa camarade :

— Hein ? On ne nous avait pas trompés. Il l’est.

— Est-ce possible ? répondent, de toute leur mansuétude bleue, les yeux de Kate que, vlan, rencontre Hamlet en revenant à sa place.